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24 avril 2020

[Confinement : la digitalisation peut-elle sauver la concertation ?]

Avant même l’annonce du confinement le 16 mars dernier, la plupart des métiers engageant l’organisation et l’animation de rencontres publiques avaient mis en berne leur activité par principe de précaution. Depuis plus d’un mois maintenant, c’est toute une profession qui s’est retrouvée à l’arrêt, faute de pouvoir se déplacer sur le territoire national, venir à la rencontre des populations et parties prenantes, et maintenir des rendez-vous pouvant mobiliser jusqu’à une centaine de participants.

Face à cette situation, deux voies se présentaient à nous : attendre, ou se réinventer. Si la première solution s’est révélée inévitable pour bon nombre de projets, la seconde a eu le mérite de révéler que, coûte que coûte, notre ADN demeure résolument tourné vers l’intérêt général et la réussite du dialogue citoyen : des valeurs indispensables dans cette période où l’engagement de chacun (aider les autres mais surtout rester chez soi) et la communication publique (maintien du lien social, information des populations) se conjuguent désormais à l’impératif.

Si des solutions numériques existent pour réinventer les modalités de participation durant le confinement, la digitalisation pourra-t-elle vraiment sauver la concertation ?

Confinée depuis 6 semaines, la France (re)découvre les outils du télétravail : e-mails, téléphones mobiles, messageries instantanées, plateformes de partage de documents pour œuvrer en simultané et à distance sur un même dossier, vidéoconférence… Ce faisant, les Français (re)découvrent aussi la signification du télétravail : poursuivre une activité économique autant que faire se peut, préparer l’après-confinement pour assurer la reprise, et surtout maintenir le lien entre les équipes, les partenaires et bien évidemment avec les clients.

Puisque nous avons appris ou développé nos compétences afin d’instaurer de nouveaux modes de faire en interne à chaque équipe, pourquoi ne pas les étendre pour les mettre au service de nos clients, des territoires et projets que nous accompagnons ?

C’est ainsi que, pour les équipes œuvrant dans la concertation, des idées ont émergé : le porte-à-porte est impossible pour informer les populations et échanger avec elles ? Qu’à cela ne tienne ! Décrochons nos téléphones pour réaliser une campagne téléphonique. Il est interdit d’organiser une réunion publique ? Et si les « live talks » sortaient du star system pour s’adapter aux projets territoriaux, permettant aux participants de chatter en direct avec les chefs de projet ? Diffuser une lettre d’information par boîtage vous interroge quant à la mise en danger des personnes effectuant les tournées ? Passons au tout numérique !

De nombreuses actions de concertation et de communication publique ont donc trouvé leur pendant digital, et ainsi pu se poursuivre durant le confinement. Mais comme toute innovation, la digitalisation des modes de faire présente d’ores et déjà de premières limites.

Fin 2017 et selon Sébastien Soriano, président de l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes), la France se plaçait 24è sur 28 au classement européen de la couverture 4G… Si plus de 90% du territoire disposait alors d’un réseau permettant les appels et SMS, la connexion à l’internet mobile restait un tout autre sujet, toujours d’actualité malgré le plan national mis en œuvre en 2018 et devant se poursuivre jusqu’en 2021.

Quand bien même la connexion serait de qualité, encore faut-il que les participants à la concertation sachent se servir des outils numériques. Force est de constater que les publics des réunions et ateliers que nous animons, et a fortiori lorsqu’il s’agit des fameux « professionnels de la concertation », demeurent majoritairement des seniors. D’après une étude de l’institut Statista de 2016 sur l’usage d’internet par les seniors en France, seuls 24% d’entre eux utilisent « très souvent » le net pour communiquer avec leurs amis et proches, et 19% pour s’informer sur l’actualité. Les outils digitaux pourraient ainsi ne pas s’adresser au public qui traditionnellement… s’intéresse à la concertation.

Une dernière limite apparaît enfin, tout à la fois plus imperceptible et pernicieuse. Nombreux seront ceux ici qui rappelleront le succès de participations numériques d’envergure, on pensera notamment au grand débat national ou au budget participatif de certaines métropoles, où les contributions en ligne se sont comptées par milliers. Oui, ces démarches ont été et seront encore demain des réussites. Toutefois ces démarches ne relèvent pas de la concertation… mais de la consultation. La massification du recours au numérique ne doit pas engendrer de confusion voire de basculement sémantique et, même si utile et nécessaire, la consultation ne peut se déguiser en concertation au risque de dévoyer l’essence-même de notre métier. Et ce à bien plus long terme que ne durera le virus.

Dès lors, comment aborder la période en cours et les ajustements possibles des modalités de concertation via l’utilisation du numérique ?

A notre sens, concerter relève de la co-construction de projets techniques et/ou territoriaux avec leurs parties prenantes. Les mesures temporaires mises en œuvre durant le confinement, qui représentent davantage des actes de communication, d’information ou de consultation, sont une manière de poursuivre notre engagement auprès des acteurs locaux et de maintenir du lien sur les projets en cours. Une poursuite certes en-deçà de notre ambition pour la concertation, mais une poursuite nécessaire et salutaire.

Car une démarche de concertation n’est pas qu’une addition dans le temps d’actions ponctuelles. Une démarche de concertation, c’est aussi et avant tout une aventure humaine, enthousiasmante et extraordinaire.

Pour ce qui est de l’extraordinaire, la période inédite dans laquelle nous vivons nous sert amplement ! Mais pour générer et entretenir l’enthousiasme autour des projets ouverts à la concertation, le contact humain – sans filtres numériques – ne pourra jamais être remplacé complètement. C’est très certainement pour la même raison que les Français, après avoir massivement relayé photos et vidéos invitant chacun à rester chez soi, se sont ensuite mis tous les soirs à leur fenêtre pour applaudir – ensemble et de concert – les personnels soignants qui œuvrent pour le bien collectif.

Toute l’équipe de Mazars Concertation est à votre disposition pour inventer à vos côtés les nouveaux modes digitaux de participation… et attend avec impatience de vous retrouver, ainsi que vos parties prenantes et sur l’ensemble de l’Hexagone, pour remettre l’humain au cœur de vos projets !

Lorette HAFFNER, Associée chez Demopolis Concertation (avril 2020) 

Tribune à retrouver en ligne : https://www.linkedin.com/pulse/confinement-la-digitalisation-peut-elle-sauver-lorette-haffner/