
La transition énergétique est désormais un impératif incontournable, et des solutions, telles que la méthanisation, apparaissent comme des leviers essentiels pour y répondre. Cette technologie, à la croisée des chemins entre la transition écologique et énergétique, offre une réponse ambitieuse à la gestion des déchets agricoles tout en contribuant à la production d’un gaz renouvelable. Toutefois, malgré ses nombreux avantages, de nombreux projets se heurtent à des résistances locales. Cette opposition croissante mérite une réflexion approfondie afin d’assurer son acceptabilité.
Comment intégrer harmonieusement ces infrastructures dans le tissu local ? Quelles leçons devons-nous tirer des expériences passées pour réussir cette transition ? Ce sont là des questions cruciales aujourd’hui. Pour y répondre, une concertation renforcée, impliquant activement les citoyens et les acteurs locaux, apparaît comme une solution indispensable.
Une technologie prometteuse, mais un accueil contrasté
La méthanisation séduit de plus en plus d’agriculteurs, de collectivités et d’industriels, offrant une alternative durable à la gestion des déchets et participant à la souveraineté énergétique. Elle permet également la production d’un fertilisant naturel, contribuant ainsi à une agriculture plus durable. Cependant, malgré ses atouts écologiques et économiques, elle reste souvent perçue avec méfiance par les populations locales.
Les critiques qui émergent relèvent principalement de trois catégories :
Bien que la méthanisation soit un procédé ancien, son développement rapide et l’industrialisation croissante de la filière soulèvent des préoccupations. Le manque de concertation autour de ces projets renforce ces craintes, d’autant plus que la technologie développée est perçue comme complexe. Cette perception alimente des appréhensions, soulignant ainsi la nécessité d’une approche pédagogique, d’une transparence accrue Par ailleurs, le besoin croissant d’information couplé à la désinformation contribuent à nourrir des peurs, notamment quant au risque de détournement des terres agricoles de leur vocation nourricière.
Dans plusieurs régions, ces préoccupations ont conduit à des blocages, voire à l’abandon de projets sous la pression citoyenne. En Bretagne, par exemple, des collectifs se sont formés contre certaines unités de méthanisation, dénonçant des risques environnementaux mal évalués. En Auvergne Rhône-Alpes, des élus locaux ont dû revoir leur plan de développement après des manifestations d’habitants redoutant une « industrialisation » de leur campagne. Un autre exemple notable se trouve dans les Pays-de-la-Loire, avec le méthaniseur Métha Herbauges à Corcoué-sur-Logne. Ce projet a été remarqué pour son ampleur inattendue et cité par la mission sénatoriale[1] comme un « cas d’école de ce qu’il ne faudrait pas faire » à l’avenir, principalement en raison du manque d’intérêt pour la participation citoyenne. Cet exemple est un véritable cas pratique à étudier pour comprendre une partie de la frustration et de la contestation locale, liées à l’incapacité des acteurs locaux à s’approprier un tel projet.
La concertation volontaire : un levier de réussite
Pour dépasser ces résistances, il est impératif de replacer les citoyens et les parties prenantes locales au cœur du processus. La méthanisation ne peut s’imposer d’en haut : elle doit être expliquée, débattue, ajustée en fonction des réalités de chaque territoire.
Certaines expériences démontrent que, lorsqu’une démarche de concertation est mise en place dès les premières phases d’un projet, l’acceptabilité sociale s’en trouve grandement améliorée.
En Normandie, le projet Métha’Normandie s’est distingué par la mise en place d’un kit d’acceptabilité, un outil pédagogique destiné aux porteurs de projets[2]. En intégrant des supports de communication adaptés, des rencontres avec les riverains et une transparence totale sur les bénéfices et les impacts, cette initiative a permis de désamorcer les tensions et de faire de la méthanisation un projet partagé plutôt qu’imposé.
De même, dans les Hauts-de-France, la signature d’une charte de concertation[3] entre collectivités, agriculteurs et associations environnementales a instauré un dialogue continu, garantissant que les préoccupations locales soient entendues et prises en compte avant la mise en service des installations.
L’approche de Demopolis Concertation : associer les citoyens pour co-construire les projets ou comment sortir du « faut-il un projet ou pas » pour passer au « faire le meilleur projet possible… ensemble ! »
Notre agence, Demopolis Concertation, spécialisée dans la médiation et le dialogue territorial, accompagne depuis plusieurs années des projets d’infrastructures énergétiques en veillant à leur intégration locale réussie. Notre approche repose sur trois principes fondamentaux :
Ce qui distingue particulièrement notre démarche, c’est notre approche issue des méthodes de conduite du changement, appliquée au dialogue territorial. Contrairement aux dispositifs classiques de concertation, souvent perçus comme formels, descendants voire distants et imposés, nous privilégions une présence active sur le terrain, au plus proche des parties prenantes. Cette proximité permet non seulement d’identifier les véritables points de blocage, mais aussi de co-construire des solutions adaptées avec les habitants, plutôt que de leur imposer des choix prédéterminés.
Nos dispositifs de concertation sont pensés comme de véritables expériences positives, où chaque citoyen peut exprimer librement ses doutes et ses attentes. Une des clés de notre réussite réside dans la gestion de l’émotion et de l’irrationnel qui peuvent entourer ces projets. La crainte du changement, les représentations négatives ou les réactions épidermiques face à des infrastructures perçues comme une menace sont des réalités incontournables. Plutôt que de les ignorer ou de les minimiser, nous les prenons en compte dans notre approche, en organisant des rencontres humaines et authentiques, basées sur l’écoute et l’échange.
En valorisant ces dimensions, nous transformons les oppositions initiales en adhésion progressive, en instaurant un climat de confiance entre tous les acteurs. La méthanisation n’est pas seulement une question technique ou réglementaire : c’est un projet de territoire qui, pour réussir, doit être porté collectivement et intégré dans une vision partagée de l’avenir énergétique local.
Des pistes pour l’avenir : faire avec plutôt que faire sans !
Si l’on veut que la méthanisation devienne un pilier durable de la transition énergétique en France, il est crucial de tirer les leçons des expériences passées et d’instituer des pratiques plus inclusives.
Parmi les recommandations clés que nous formulons :
Au final, l’appropriation locale, c’est la clé de la transition énergétique.
Pour que la méthanisation devienne un pilier durable de la transition énergétique en France, il est essentiel que chaque citoyen, chaque acteur local, soit impliqué dès le début. Cette transition ne doit pas être imposée, mais coconstruite avec les communautés. Nous avons tous un rôle à jouer dans la réussite de ces projets, pour une France plus verte et plus solidaire. C’est ensemble que nous construirons un avenir énergétique harmonieux et partagé.
Par Léa SEVERE, consultante confirmée, et David HEINRY, associé et président de Demopolis Concertation (mars 2025)
[1] SALMON, Daniel, : Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur « La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts ». Rapport d’information n°872. 29 septembre 2021. Sénat. URL : https://www.senat.fr
[2] MethaNormandie. (2024). Kit acceptabilité [Fichier PDF]. URL : https://www.methanormandie.fr
[3] L’Etat et la Région réaffirment leur attachement au développement de la méthanisation. (Publié le 11/07/2019 | Mis à jour le 10/10/2019). DRAAF Hauts-de-France. URL : https://draaf.hauts-de-france.agriculture.gouv.fr