Nous vivons un moment vivifiant de débat public et de participation qui semblait inaccessible il y a encore une quinzaine d’années. La demande des peuples pour plus de participation ne cesse de croître depuis les années 1990. Pourtant, n’a-t-on pas souvent entendu, jusqu’à encore récemment, qu’organiser une grande séquence de concertation nationale relevait de la gageure en France ? Les sceptiques de la participation ont d’abord beaucoup affirmé que la délégation de pouvoir au cœur des démocraties représentatives était bien suffisante pour prendre des décisions. Et puis, l’exercice de concertation ne fonctionne-il pas bien mieux quand on est peu nombreux, comme en témoignent les bons exemples de la Suisse, championne de la démocratie directe, ou bien l’expérience pionnière de la commune brésilienne de Porto Alegre en 1989, qui a inspiré tant d’initiatives de budgets participatifs par la suite ?
Nous savons depuis Hegel, que c’est au cœur des crises que se trouvent les réponses et les solutions aux problèmes qui font naître ces conflits.
En réponse à la contestation sociale des « Gilets jaunes », le gouvernement a organisé un Grand Débat avec pour vocation d’engager les citoyens Français, grâce à un dispositif mêlant participation physique et digitale, dans une réflexion sur les enjeux jugés déterminants pour la nation et à leur donner la possibilité de formuler des propositions.
Si on laisse de côté un instant les nombreuses réactions qu’a suscité un tel dispositif, on ne peut que se réjouir que la concertation prenne enfin une telle ampleur nationale et qu’il existe une volonté pour qu’elle vienne infuser l’ensemble du dispositif politique.
De la même façon, il nous semble essentiel de se réjouir des multiples initiatives locales mises en place depuis le milieu des années 2000 pour impliquer les acteurs d’un territoire dans les transformations dont il est l’objet : concertation urbaine, concertation dans les ports maritimes et les aéroports, concertation pour les aménagements de zones industrielles ou d’infrastructures. Ces dernières années, les expériences participatives se sont multipliées, en réponse à une demande citoyenne de plus en plus forte.
Cependant, une question cruciale reste en suspens : quelle est la qualité du dispositif mis en place ?
Car bien des personnes vous diront qu’une concertation réussie, c’est avant tout le fruit d’un savant équilibre entre transparence des porteurs de projets, prise en compte des contextes locaux – géographiques, sociologiques et politiques – et actions de communication et d’information adaptées.
Nous ne dirons jamais que ces éléments ne sont pas essentiels. Ils le sont. Mais pas seuls, pas sans être structurés autour de principes fondamentaux. Car une concertation réussie, et plus encore des projets réussis grâce à la concertation, c’est avant tout une question de méthode et de mobilisation.
De méthode d’abord : quel est l’objectif de la concertation ? Recueillir l’avis des personnes concernées sans que la décision finale n’ait à en dépendre ou bien proposer un temps d’information, d’échange et de réflexion collégial préalable à la prise de décision ?
Comment la neutralité et l’impartialité des débats sont-elles garanties : par autorégulation ou à l‘aide d’une tierce partie ?
Lors d’un débat collégial, une pluralité de sujets sont abordés. Il existe alors souvent des divergences de points de vue. Comment cette divergence est-elle traitée pour qu’à la fin d’une séquence de dialogue, il y ait convergence sur une partie des sujets ou des approches ?
Voilà une série de questions dont les réponses détermineront si la concertation est juste une forme déguisée de consultation (on vous demande votre avis mais on n’est pas sûr d’en tenir compte) ou bien de communication (on vous informe mais de toute façon le projet se fera selon des plans qui vous échappent), ou bien, au contraire, un processus engageant, par lequel porteurs de projet, habitants, élus, représentants d’associations travaillent ensemble, avec pour horizon l’intérêt de tous.
En second lieu, une concertation réussie, c’est aussi une question de mobilisation. Les acteurs d’un territoire doivent pouvoir être associés aux transformations qui les concernent. Pas seulement informés, mais aussi impliqués dans la co-construction d’un projet. De façon à ce que des changements territoriaux qui sont parfois perçus avec méfiance – nouvelle implantation industrielle, construction d’infrastructure, réaménagement de sites – deviennent sources d’enthousiasme et de développement, par les opportunités qu’ils offrent aux acteurs locaux d’influer sur le futur de leur environnement. Une concertation réussie passe par la possibilité de redonner du sens et du pouvoir aux acteurs locaux : élus, riverains, associations dans une transformation qu’ils ne subissent plus mais, au contraire, qu’ils vivent de l’intérieur, dont ils sont « acteurs » à part entière.
Sur cette base, nous accompagnons nos clients tous les jours, convaincus qu’une concertation bien menée, fait jouer à plein l’intelligence collective et aide un projet à grandir pour qu’il se développe au plus grand bénéfice du territoire qui l’accueille.
Si vous voulez en savoir plus sur nos méthodes, contactez-nous !
Sophie Pellé et David Heinry, Président de Demopolis Concertation (mai 2019)
Tribune à retrouver en ligne : https://www.linkedin.com/pulse/nous-vivons-un-grand-moment-david-heinry/