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19 mai 2020

[Osez déconfiner via la concertation pour rétablir la confiance !]

Dans un article du journal ” Le Progrès ” d’hier, il est évoqué ce nouveau ” syndrome de la cabane ” qui pousse certains à rester… confinés. Par peur, par choix, voire par… plaisir. Il est notamment écrit : ” Selon un sondage YouGov pour le magazine “Society”, 29 % des Français préfèrent rester confinés encore un moment. […] Pour les deux tiers (67 %) de ces confinés qui jouent les prolongations, c’est la peur du virus qui les incite à ne pas sortir. Mais pour un quart, c’est tout simplement par plaisir. ” Nombreuses ont été les publications ces derniers jours à relayer ce réflexe de protection qui n’est pas sans conséquence, paradoxalement, sur le plan psychologique et même sanitaire à terme, sans compter avec la crise économique et sociale d’ampleur, qui s’annonce à peine. Cela interpelle.

Après une semaine de ” déconfinement progressif “, principe de précaution, médicalisation des discussions, peur de la mort, infantilisation pour certains et baisse des libertés individuelles et collectives pour d’autres, etc., tout ceci amène les uns à avoir peur du monde extérieur quand d’autres, dans une logique bien cocardière, s’affranchissent de toutes règles pour ” reprendre une vie normale “. Il n’y aurait donc pas de juste milieu ? Sans doute la permanence de la culture manichéenne : les bons élèves, les irresponsables.

Bien évidemment, cet état de fait génère et générera de plus en plus de tensions et discussions sans fin dans les villes et dans nos campagnes. Les gilets jaunes prévoyaient déjà une manifestation en sortie de déconfinement. Les mouvements radicaux et populistes sont déjà à l’ouvrage sur les réseaux sociaux pour déstabiliser et propager tout type de rumeur. Le hashtag ” guillotine2020 ” en est également un énième marqueur symbolique. Qui a raison, qui a tort, comment faire œuvre de bon sens et de sens collectif dans une société ou l’individu brille toujours malgré les nombreux appels au ” monde d’après ” et à plus de bien collectif, de bien commun ? L’intérêt général tant désiré pousserait donc certains citoyens à forcer leur vérité, leur vision, leur dogme en opposition aux autres. Nous n’avancerons pas et la résilience en prend un coup.

Ces sujets sont omniprésents dans notre société, qui recherche légitimement le bon modus operandi dans cette période intense de changement et de transformation. Qui croire ? Qui suivre ? Qui est crédible ? La raison de cette difficulté, c’est la crise de confiance. Problème de confiance dans les édiles, les experts et les médias, problème surtout de confiance envers les autres et envers soi-même, puissance des réseaux sociaux et emballement médiatique à la moindre prise de position. Et cela ne date pas d’hier, c’est un mouvement continu lié à la prédominance de l’instantanéité de l’information sur les temps longs (ex : chaînes d’info en continu, fake news, vidéo volées ou manipulées). Et lié à la délégation du savoir dans cette « petite poucette » si chère à Michel Serres (le savoir est à portée de main mais aussi les clichés et raccourcis). On délègue à d’autres la décision (retour de l’Etat providence qui rassure, recherche de l’homme providentiel) tout en augmentant la judiciarisation de celle-ci (nombres de plaintes envers le gouvernement, exposition au risque et question de la responsabilité pour les élus notamment). L’union n’aura pas duré longtemps dans cette période de crise et les temps difficiles qui s’annoncent n’aident pas au consensus et à la sagesse. Résultat, le retour aux interactions humaines tant désiré est très compliqué, dans un environnement plus complexe et un avenir plus incertain, poussant les premiers à la résignation, les seconds à la radicalisation de leurs comportements.

Dans le monde professionnel, les mêmes mouvements sociétaux sont visibles. L’entreprise ou la collectivité tentent de ” penser à tout ” et de ” tendre vers le risque zéro “. Et le télétravail redécouvert devient un dogme absolu quand il était presque mal vu il y a 3 mois encore. Les études et témoignages s’empilent en ce sens, sans aucune mesure. La capacité à se déplacer pour travailler est contrainte et la moindre difficulté oblige à résoudre l’impossible : ma santé vs mon travail. La première ligne n’a pas le choix, elle, et doit bien reprendre le fil des contacts avec ses clients, ses parties prenantes, ses partenaires et ses camarades. Pourquoi ne pas s’en inspirer ? La prudence ne doit pas nous empêcher de reprendre le fil d’une relation avec les Autres. Non, Monsieur Sartre, l’enfer ce n’est pas les autres ! Intégrer les mesures barrière, faire preuve d’innovation et de bon sens, mais aussi avoir le courage de ne pas trop écouter les plus alarmistes et dogmatiques sur le sujet, doivent nous guider dans les prochaines semaines. Difficile oui, mais pas impossible. Cette crise nous aura enseigné que la vérité d’un jour peut être remise en cause le lendemain. Alors à quoi bon chercher sans cesse ces certitudes du ” monde d’avant ” ?

Dans une phase de changement comme celle que nous vivons, il faut concevoir l’horizon comme positif et désirable, avoir conscience de la difficulté d’agir, ne pas céder à l’immobilisme du confinement, oser redonner confiance aux autres et à soi-même. Les citoyens seront toujours exigeants en matière de démocratie participative et si nous en voulons pas que les tensions s’exacerbent, la concertation et la communication publique sont de bons leviers, même dans le paradigme sanitaire actuel. La vie reprend progressivement et, dans cette période où nos libertés sont réduites (la responsabilisation des individus étant souvent malmenée par notre culture jacobine),  il est indispensable de faire l’expérience d’une relation humaine de visu. Des actions sont possibles si on reprend la main sur son avenir. Il convient de ne pas céder au confort du télétravail confiné mais bien d’assumer ce retour à l’échange et au dialogue avec le bon niveau de protection. C’est un effort, c’est vrai, mais c’est crucial. La logique de concertation par écrans interposés ne peut être l’alpha et l’oméga de nos relations.

Alors osons ensemble déconfiner via la concertation et nous dire que d’ici l’été et la fin d’année, il est et sera possible, utile, vital de concerter et de communiquer entre nous, entre citoyens, à l’échelle nationale, régionale ou locale, parce que cette expérience de partage, de débat et de co-construction est positive, enthousiasmante, enrichissante et… tellement humaine.

David Heinry, Président de Demopolis Concertation (mai 2020) 

Tribune à retrouver en ligne : https://www.linkedin.com/pulse/osez-d%C3%A9confiner-via-la-concertation-pour-r%C3%A9tablir-confiance-heinry/